C'est du bois, c'est ignifuge et c'est plus solide que l'acier...
Du bois l'épreuve des balles
InventWood est une start-up américaine qui développe de nouveaux matériaux en vue d'applications dans le secteur de la construction, entre autres. affirme que son Superwood pourrait un jour remplacer les poutres en acier en I dans l'ossature des bâtiments et serait mêmesuffisamment résistant pour servir à la fabrication de portes pare-balles. Superwood est également à l'épreuve du feu : sa surface se carbonise de manière contrôlée, protégeant l’intérieur, alors que l’acier, lui, se déforme sous la chaleur d'un incendie. Selon Christopher Mims, journaliste au Wall Street Journal, le bois modifié est étonnamment solide et léger. "Une planche de pin de 3 mm casse facilement entre mes mains, mais une plaque de Superwood de la même taille ne se plie que légèrement, quels que soient mes efforts. Une tige de 30 cm de long et de 1,3 cm d'épaisseur était si rigide que je n’ai pas réussi à la courber".
Cependant, l'arrivée du Superwood chez nous n'est pas pour tout de suite. InventWood n'a commencé la production à l'échelle industrielle que l'été dernier. Pour l’instant, le Superwood est annoncé à un prix comparable à celui d’un bardage haut de gamme ou d’un bois tropical.
Gratte-ciel en bois
Le bois "d'ingénierie" ou modifié est actuellement très demandé. Par exemple, l'industrie utilise depuis longtemps des restes de panneaux OSB pour développer de nouveaux matériaux et croit vraiment en l'avenir de cette technologie. Le géant du bois Weyerhaeuser vient d'entamer la construction d'une usine de 500 millions de dollars dans l'Arkansas pour produire du "TimberStrand", également fabriqué à partir de restes de bois, mais qui serait plus résistant que le bois traditionnel. InventWood lui-même s'appuie sur l'expertise de l'industrie : le directeur de l'usine de la société vient de Weyerhaeuser. "Certaines entreprises de construction utilisent le bois lamellé-croisé (CLT) pour remplacer des éléments structurels plus petits en acier ou en béton", écrit Christopher Mims. "Cela a permis de construire des gratte-ciel en bois et même à un terminal d'aéroport de 2 milliards de dollars à Portland, dans l'Oregon. Selon Caitlin Mueller, directrice du programme Building Technology au Massachusetts Institute of Technology, l'évolution vers des bâtiments en bois de plus en plus grands dépend de l'adaptation des codes de construction et de la capacité à convaincre les gens qu'ils ne partiront pas en fumée. "Les bâtiments en bois bien conçus sont relativement sûrs en cas d'incendie. Ce n'est pas le cas des bâtiments à ossature bois traditionnels, dont les planches sont minces et ont un accès facile à l'oxygène. Les fabricants sont confrontés à un défi : bien que Superwood soit beaucoup plus rigide que le bois ordinaire, il ne l'est pas encore autant que l'acier ou le béton, les bâtiments doivent donc être conçus de manière à ne pas trop se déformer."
Niveau moléculaire
Liangbing Hu, surnommé le "Willy Wonka du bois transformé", est l'ancien directeur du Center for Materials Innovation de l'université du Maryland et est aujourd'hui professeur à Yale. À l'époque, il a inventé le bois transparent qui peut être façonné comme du plastique et le bois qui rebondit comme une balle en caoutchouc. Toutes ses inventions impliquaient une manipulation du bois au niveau moléculaire. En 2018, Hu et ses collègues ont provoqué la fureur des spécialistes des matériaux en présentant la technologie Superwood dans un article publié dans la revue Nature. Le procédé consiste à cuire, traiter puis compresser le bois, ce qui réduit son épaisseur de 25 %. Résultat : les fibres de cellulose se resserrent et les canaux internes, constituant le système de circulation de l'arbre, s’effondrent, donnant au bois une densité et une résistance exceptionnelles.
Entre scepticisme et engouement
D’abord perçu comme une curiosité scientifique, le projet a pris de l’ampleur avec l’arrivée d’Alex Lau, aujourd’hui directeur général d’InventWood, qui a contacté M. Hu et contribué au lancement commercial d'InventWood en 2021. La start-up a reçu une subvention de 20 millions de dollars du ministère de l'énergie l'année suivante et a également reçu 30 millions de dollars de financement de la part de divers investisseurs. Aujourd'hui, InventWood peut utiliser une installation de production de 8 361 mètres carrés, et des projets sont déjà en cours pour une nouvelle installation trois fois plus grande. Les détails du processus exact ne sont pas connus. "Lors d'une récente visite de l'usine presque achevée, j'ai vu l'ensemble du processus, du début à la fin", a déclaré Christopher Mims. "L'entreprise m'a demandé de ne pas révéler les détails de la fabrication de Superwood, de peur que des entreprises étrangères - Lau n'a pas voulu dire où, mais il s'agissait clairement de la Chine - ne copient leur processus. Dans un souci de rentabilité, InventWood commercialisera dans un premier temps Superwood comme revêtement, ce qui ne nécessite qu'une certification minimale. Cependant, il peut également être utilisé comme terrasse - il a une longue durée de vie et est aussi résistant aux intempéries que le bois dur tropical -, comme clôture et comme cadre de fenêtre.

Liangbing Hu (deuxième en partant de la gauche) et l'équipe de Superwood
Plus qu'un simple matériau de construction
Pour pouvoir utiliser Superwood comme élément structurel dans les bâtiments, il doit être certifié par les partenaires de l'entreprise, notamment les constructeurs et les architectes. "De nouveaux procédés de construction sont également nécessaires, car le matériau est suffisamment solide pour remplacer les raccords en acier couramment utilisés dans les structures en bois transformé. À l'avenir, les bâtiments pourraient être construits à l'aide de techniques anciennes, par exemple avec des chevilles Superwood martelées dans des poutres du même matériau", a déclaré Alex Lau. Les applications vont au-delà de la construction. Le Superwood est similaire à la fibre de carbone, mais moins fragile, et la fibre de carbone est déjà utilisée dans toutes sortes de produits, depuis les équipements sportifs et les chaussures de tennis jusqu'aux voitures de course et aux avions. Dans l'avenir, avec les eVTOL, également appelés "voitures volantes", il pourrait y avoir une demande pour un matériau comme le Superwood", conclut M. Lau. "Ou peut-être un ordinateur portable ou un smartphone en bois coloré et très résistant ? L'usinage de ce matériau nécessite de nouvelles techniques, mais celles-ci ne sont pas inconcevables."