Henk Lutjeharms, menuisier-ébéniste qui donne une nouvelle vie aux techniques anciennes
Sous le charme du bois
Avec un père pasteur et une mère enseignante, une carrière d'ébéniste n'était pas vraiment toute tracée d’avance. Pourtant, Henk Lutjeharms s'est épris du bois dès son plus jeune âge. "Je n'avais rien de plus qu'un rabot et quelques caisses à pommes de terre, mais à l'adolescence déjà, je voulais devenir ébéniste et je savais aussi que je voulais créer ma propre entreprise avant d’avoir 35 ans. Pouvoir faire ce que je veux a toujours été important pour moi."
Pour atteindre son objectif, Henk a cependant choisi une voie un peu moins traditionnelle. "Je ne suis pas allé dans une école professionnelle parce que le niveau y était déjà médiocre à l'époque. J'ai étudié le latin et le grec puis plus tard la théologie, jusqu'à ce que je n'y croie plus, puis j'ai étudié la psychologie-pédagogie. Après mes études, j'ai travaillé pendant quelques années comme éducateur dans un centre pour réfugiés, jusqu'à ce que je fonde l’entreprise Lutjeharms en 1982." Henk a ensuite suivi une formation de menuisier, mais surtout pour pouvoir bénéficier d'un taux de TVA plus favorable en tant qu'entrepreneur agréé.
"Mes connaissances sont principalement le fruit de l'auto-apprentissage", explique Henk, en indiquant du regard la bibliothèque remplie de vieux manuels impressionnants. On pourrait le qualifier de gardien du métier. Il nous présente son manuel préféré: L'art du Menuisier de J.A. Roubo. Un livre au format impressionnant, débordant de magnifiques croquis et de descriptions détaillées des techniques traditionnelles. "Par contre, il faut être bon en langue car c'est écrit en vieux français." Henk y fait sans cesse référence: "lorsque j'ai voulu maîtriser la technique pour restaurer un treillage (un motif géométrique réalisé avec des lattes de bois, ndlr.) avec une sculpture raffinée, j'ai relu une centaine de pages de ce livre. Aujourd'hui, vous pourriez effectuer ce travail avec un laser informatisé, mais vous obtiendriez alors un ensemble plat et monotone. Nous le faisons à la main, ce qui donne un résultat vivant et haut en relief."
Tout ce que les collègues refusaient
L’entreprise Lutjeharms est aujourd'hui spécialisée avant tout dans la restauration et la reproduction de menuiseries anciennes, telles que fenêtres, portes d'entrée, oriels, gouttières, portails, vitrines et lambris. Elle restaure aussi habilement les meubles anciens. Ce créneau a vu le jour de manière organique.
"Au début, lorsque les gens me demandaient quel genre de travail j’effectuais, je répondais ‘tout ce que mes collègues refusent’. Lorsque j’avais besoin d’argent, j’ai également posé des cloisons en gyproc. Dans les années 1980, j'ai réparé de nombreuses pièces et meubles pour des antiquaires. Je réparais également des fenêtres et des portes et, les antiquités perdant de leur attrait, je me suis de plus en plus concentré sur ce domaine. Malheureusement, celui-ci est lui aussi tombé en désuétude. Lorsque vous pouvez bénéficier d’une prime pour le remplacement de vos anciennes fenêtres et pas pour leur réparation, le calcul est vite fait. Seuls les bâtiments classés bénéficient encore de primes à l’entretien et à la restauration, mais pour le citoyen moyen ce n’est plus abordable. C'est dommage, car je me suis toujours senti très utile lorsque je pouvais ainsi contribuer à la qualité de vie des gens."
Les travaux impliquant de la sculpture faisaient d’Henk le plus heureux des hommes. Il aime se remémorer le confessionnal de l'église d'Itterbeek, qu'il a pu restaurer au début de sa carrière. "La plus grande partie avait été détruite. J'ai travaillé huit mois sur le mobilier de l'église. J’ai entre autres réalisé de nouvelles têtes d'anges ainsi qu’un œil de Dieu qui surplombe toute l'église."
J'ai toujours fait ce que j'avais envie de faire. On me demandait souvent pourquoi je n'employais pas de personnel. Il y avait tout de même suffisamment de travail? Je ne voulais pas, je voulais travailler moi-même dans l’atelier au lieu de devoir m'occuper de l'administratif
Bienfaiteur
"En fait, j'ai toujours fait ce que j'avais envie de faire. On me demandait souvent pourquoi je n'employais pas de personnel. Il y avait tout de même suffisamment de travail? Je ne voulais pas, je voulais travailler moi-même dans l’atelier au lieu de devoir m'occuper de l'administratif. Je ne pouvais faire ce que je voulais qu'en restant délibérément petit. J'aime la variété. Plus le projet était complexe, plus j'aimais cela. Lorsque vous travaillez avec du personnel, vous ne pouvez pas avoir cette polyvalence et devez faire des choix. Je voulais gagner suffisamment pour faire vivre ma famille et pouvoir vivre correctement, mais le profit n'a jamais été ma motivation. Je ne voulais pas devenir riche."
Au début de ce siècle, Henk s'est par contre laissé tenter par la création d'un site web. "Je suis encore et toujours reconnaissant envers ce représentant persévérant. Jusqu'alors, le bouche-à-oreille avait permis à notre notoriété de croître constamment, mais grâce au site web, nous avons pu toucher un public beaucoup plus large et nous faire connaître dans tout le pays." Se lancer dans le métier parce qu'on l'aime et non pour s'enrichir rapidement devrait aussi constituer la principale motivation aujourd'hui. "Il ne faut pas avoir une image trop romantique du métier. Nous travaillons parfois sous la pluie et dans le vent. C’est physiquement éprouvant, mais la satisfaction que cela procure n'a pas de prix."
Un artisan jusqu’au bout des ongles
Henk Lutjeharms est l'un des rares menuisiers à encore maîtriser les techniques traditionnelles. Voire celles-ci lentement disparaître est difficile à accepter. "Aujourd'hui, l’ébéniste apprend à travailler avec des machines informatisées et éventuellement à les programmer, mais comme il n'apprend plus à effectuer lui-même les opérations, il n’a pas une vue d’ensemble suffisante. Dans un créneau comme le nôtre, le travail manuel reste extrêmement important, surtout pour la phase de finition."
C'est moins le cas pour le cuisiniste qui réalise tout de manière entièrement automatisée, mais Henk ne voit pas en cela une évolution positive. "Vous êtes beaucoup plus limité dans ce que vous faites. Vous pouvez être très flexible en ce qui concerne la hauteur, la largeur et la profondeur de vos armoires, mais peut-on encore vraiment parler de sur-mesure? Le fait que les souhaits spécifiques des clients ne puissent souvent plus être exaucés représente pour moi un appauvrissement du métier." Henk aime aussi réaliser des escaliers, et n’utilise pas de logiciel à cet effet. "Je dessine encore et toujours les escaliers grandeur nature. Un ordinateur peut calculer correctement, mais il ne peut pas évaluer si l'escalier sera beau et agréable à emprunter."

Cette vitrine à Bruxelles a récemment retrouvé son lustre d'antan
Propre projet de rénovation
En 2011, après avoir longuement cherché un grand atelier abordable, l’entreprise Lutjeharms a déménagé de Grand-Bigard à Lembeek. Le nouvel emplacement est situé à deux pas de la porte de Diederik, le fils de Henk, qui a rejoint l'entreprise en 2006. Ce qui était une ruine à l'époque est aujourd'hui devenu un magnifique atelier. "Le bien était resté longtemps en vente car personne n'osait s’attaquer à sa rénovation, mais ce genre de choses ne me fait pas peur. Ce fut certes un processus long et parfois compliqué, mais maintenant que le bureau est lui aussi totalement terminé, la sérénité revient. Comment pourrait-il en être autrement dans un bureau où le poêle brûle, les chiens ronflent et les grandes fenêtres offrent une magnifique vue sur la nature environnante. Les deux hommes ont travaillé ensemble dans l’entreprise pendant un certain temps jusqu'à ce que Diederik la reprenne officiellement en 2019. "Je ne me mêle pas trop, n'est-ce pas?", lance Henk à Diederik en riant. "Plus maintenant", acquiesce-t-il, "mais nous sommes passés par une longue phase de transition." "Nous sommes sur la même longueur d'onde en ce qui concerne la façon de travailler, mais nous avons une vision différente de l'entreprise", explique Henk. "Et nous sommes tous deux aussi têtus l'un que l'autre. Cela clashe parfois, mais heureusement, nous ne restons jamais fâchés longtemps l'un sur l'autre."
L'atelier frappe les esprits, avec des machines traditionnelles d'un côté d'une cloison en style Mondrian et des établis manuels de l'autre. Tant dans l'atelier qu'à l'extérieur, on trouve un vaste stock de bois massif dans toutes les formes, longueurs et épaisseurs. "Nous achetons des grumes et séchons le bois nous-mêmes. Les temps de séchage varient de deux à huit, voire même neuf ans. Hors de question d’utiliser des séchoirs. C'est peut-être plus rapide, mais vous perdez alors en qualité. Je fais débiter de chaque grume des planches de différentes épaisseurs, en fonction des motifs dans le bois." À côté de cela, l’entreprise dispose aussi d'un impressionnant stock de verre, y compris des vitraux et du verre soufflé, ainsi que de vis, serrures, charnières et poignées anciennes qui ont été soigneusement collectées au cours d'une vie et qui, dans de nombreux cas, ne sont aujourd’hui plus disponibles sur le marché. En bref, tout ce dont vous avez besoin pour rendre aux boiseries leur lustre d’antan est ici à portée de main.
La qualité de l'enseignement reste pour moi un gros problème. C’est la raison pour laquelle les nouveaux-venus dans le métier sont peu nombreux. On a si longtemps dénigré le travail manuel que l’option bois est devenue l’option par excellence pour ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas étudier
Succession assurée?
Henk peut dormir sur ses deux oreilles: Lutjeharms est à nouveau entre de bonnes mains. Reste à savoir si cela vaut pour le reste du secteur. "La qualité de l'enseignement reste pour moi un gros problème. C’est la raison pour laquelle les nouveaux-venus dans le métier sont peu nombreux. On a si longtemps dénigré le travail manuel que l’option bois est devenue l’option par excellence pour ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas étudier." Henk ne se voyait pas dans l'enseignement, mais en travaillant toujours avec des apprentis et des apprenties, il a tout de même réussi à faire la différence pour certains jeunes.
"Je me souviens d'un jeune garçon qui m'a dit à la fin de son apprentissage qu'il ne voulait finalement pas devenir menuisier – parce qu'il faut alors trop poncer –, mais qu'il avait par contre appris à réfléchir. C'est le plus beau compliment que l'on puisse recevoir."
Le manque de connaissances professionnelles pourrait bien coûter cher au secteur dans les prochaines années. Maintenant que le secteur du bâtiment doit devenir plus durable, la politique de rénovation est remise en lumière. "À Bruxelles, les portes d'entrée peuvent encore à peine être remplacées. Les choses évoluent dans le bon sens, mais il y a aujourd'hui trop peu d’hommes de métier capables de mener à bien de telles rénovations et restaurations. Et je n’entrevois pas d'amélioration de sitôt."
Lutjeharms continue de contribuer à diffuser les connaissances nécessaires. "C'est pour l’instant en suspens à cause du corona, mais nous collaborons régulièrement avec les Classes de Patrimoine de Bruxelles. Lutjeharms fête son 40ème anniversaire et nous voulons notamment célébrer cela en ouvrant notre propre musée de machines et outils traditionnels. Pas seulement pour les regarder. Les machines fonctionneront, de telle sorte que vous pourrez voir précisément comment se déroule le processus de fabrication."
Cela vous intéresse? Le musée ouvrira ses portes à l'automne 2022.
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